Deuxième séance du Café culturel Lundi 10 décembre La mémoire est-elle la force des peuples ?

                                           La mémoire est-elle la force des peuples ?

Conseil méthodologique : un sujet simple en apparence sous la forme d’une question totale (celle à laquelle on répond par OUI/NON). Mais il y a des écueils à éviter :

-La question n’est pas de savoir ce qui fait en soi la force des peuples. L’étudiant qui répondrait : ce n’est pas la mémoire qui fait la force des peuples, mais leur puissance économique, leur dynamisme démographique, leur influence géopolitique etc. serait totalement hors sujet.

-La question est de savoir si la mémoire est l’élément clé de la force des peuples. Il faudra alors préciser ce qu’on entend par mémoire. Il s’agit évidemment de mémoire collective, mais sous quelles formes ? quels supports ? Est-elle libre ou instrumentalisée, consciente ou inconsciente etc. La complexité et la multiplicité des formes de la mémoire collective sont l’une des difficultés du sujet.

-Autre terme qui peut poser problème : qu’entend-on par la force des peuples ? Parle-t-on de leur grandeur ?Toutefois les mot « force », « grandeur » ne sont pas dénués d’ambiguïté et on ne peut faire l’économie de cette difficulté. Il faudra également définir le mot « peuples ».

-Ménager une progression qui nous amènera du plus évident au plus subtil. Bien-sûr la mémoire, à bien des égards, fait la force des peuples, l’amnésie étant la pire des choses. Mais l’hypermnésie comporte également des risques potentiellement mortels.

-Dès lors on pourra se demander dans une troisième partie à quelles conditions la mémoire est un facteur de liberté et non d’aliénation pour un peuple.

Attention, il s’agit d’un sujet de culture générale de Sciences Po (Bordeaux). Il est indispensable de faire des références à l’actualité même immédiate.

 

Qu’est-ce qu’un peuple ?

Avant de s’interroger sur les enjeux de la mémoire, il faut se demander comment des peuplements disparates ont fini par s’agglomérer et former un peuple.

Pour qu’il y ait un peuple il faut qu’il y ait :

  • un territoire : il y a des peuples sans territoire, mais c’est rare.
  • une langue, même s’il peut y avoir au sein de ce même peuple des élément allogènes et allophones.
  • une culture, on y reviendra.
  • une histoire, celle des ancêtres, souvent célébrée par la tradition orale.

Maintenant on peut se poser la question :  quelle est la différence entre un État, un peuple, une nation ? L’ État est l’ensemble des institutions politiques, juridiques, militaires, administratives économiques qui organisent une société lorsqu’elle a atteint un certain degré de développement. Il définit un espace public, une « chose publique » commune à tous.

La nation est la construction idéologique du peuple. Le fondement de la nation réside d’une part dans la volonté de se reconnaître dans une communauté de valeur et de destin censée forger une identité, d’autre part dans l’idée de souveraineté. Alors que l’appartenance à un peuple est naturelle, l’appartenance à une nation relève de la culture, dans la mesure où elle suscite des interrogations : comment je me définis et me reconnais en tant que Français, Allemand, Anglais ?  Contrat vertical ensuite : le peuple accepte de se soumettre à un souverain mais sous certaines conditions, car le véritable souverain c’est lui. Dans la nation, la souveraineté appartient au peuple et à lui seul. Donc l’idée de nation est beaucoup plus récente que la réalité de l’existence d’un peuple, elle émerge au 18ème siècle, préparée par les théories du contrat qui apparaissent dès la Renaissance.  Toutefois, elle a été précédée par l’émergence d’un sentiment national qui lui est bien antérieur. C’est l’un des sujets de prédilection des historiens de se demander quand est né le sentiment national français ou anglais ou américain. Entre les deux guerres l’historien jacques Bainville affirmait que l’acte de naissance du sentiment national français, c’est la bataille de Bouvines que Philippe Auguste remporte en 1214 contre les Plantagenet considérés désormais non plus comme des vassaux du roi de France mais des occupants anglais. Une nation se construit en effet contre l’autre car l’intérêt d’un peuple n’est qu’un intérêt particulier au regard des autres peuples.

Pour la commodité de l’exposé on confondra les notions de peuple et de nation qui sont très proches, hormis quelques nuances qui les séparent.

Ces précisions terminologiques étant faites, on peut maintenant se poser la question du rôle de la mémoire dans la vie d’un peuple.

 Les enjeux de la mémoire

On a vu qu’à la base d’un peuple, il y a sa culture au sens large, à savoir une certaine forme d’organisation sociale et politique, des coutumes qui se transmettent avec le temps et qui sont plus ou moins entérinés par les lois, une religion, une littérature un folklore etc. La culture d’un peuple est un réservoir inépuisable qui alimente sa mémoire et vice-versa. Il ne peut lui échapper car elle lui est consubstantielle. Prenons l’exemple de la religion : le croyant, qu’il soit bouddhiste, juif, chrétien musulman répète inlassablement les épisodes de la vie de Bouddha, de Moïse de Jésus ou de Mahomet. Et quand bien même nous serions athées, chacun, chacune d’entre nous porte en lui ou en elle deux mille ans de civilisation classique et judéo-chrétienne qui nous ont transmis des valeurs qui perdurent car, selon la formule de l’historien Fernand Braudel, les civilisations sont des continuités : par exemple l’homme occidental sait tout ce qu’il doit aux Grecs et aux Romains. Il est attaché à la démocratie, au droit, à la loi. Et il est attaché aux valeurs morales issues des religions monothéistes.

Mais surtout nous ne voulons pas échapper à cette mémoire car elle est la marque même de notre identité, elle est notre culture, surtout quand on passe de l’idée de civilisation à l’idée de nation, plus restreinte.

A l’origine de toute culture nationale, on trouve un imaginaire collectif qui puise dans les mythes. Certains de ces mythes sont fondateurs :  l’Iliade pour les Grecs, l’Enéide de Virgile pour les Romains (Troie renaît de ses cendres avec la fondation de Rome). Ces mythes nous ont été transmis par la tradition orale puis par les épopées.

Ensuite, lorsqu’on rentre dans la période historique des peuples, le récit prend le relais de la mémoire orale, puis la littérature et enfin l’histoire au sens scolaire et universitaire du terme.

Toutefois la tendance naturelle des peuples est de mythifier leur histoire, pour se donner une gloire nationale, mais aussi pour des raisons sentimentales et idéologiques. La mémoire plus ou moins manipulée ou instrumentalisée se met au service des passions nationales.

Quelques exemples : l’un des temps forts de l’histoire de France c’est le baptême de Clovis, événement inlassablement raconté car il confère au peuple de France son identité chrétienne.

La glorification des rois mérovingiens ne s’arrête pas là : l’historien François Furet nous explique que pendant des siècles on s’est passionné pour eux car c’est d’eux qu’est née l’épopée de la chevalerie et partant de l’idéologie aristocratique qui a perduré jusqu’à la Révolution française. Autrement dit, aussi surprenant que cela puisse paraître, les Français avaient alors la passion de l’inégalité. L’Ancien régime développe une idéologie profondément élitiste et inégalitaire. La noblesse est l’ordre le plus prestigieux de la nation et tout le monde veut être noble, pour avoir les privilèges de cet ordre, ne pas être taillable et corvéable à merci et bien d’autres choses encore. Molière se moque du bourgeois qui donnerait volontiers une partie de sa fortune pour s’appeler Monsieur de la Souche parce qu’il a une souche dans son jardin

Tout s’inverse avec la Révolution française : oubliée l’épopée des Mérovingiens, la passion de l’inégalité cède soudain la place à la passion inverse : celle de l’égalité. Et elle reste encore une des grandes passions françaises pour ne pas dire la grande passion française. On retrouve dans certaines mouvances des gilets jaunes le souvenir des sans culottes. On remet à l’ordre du jour les cahiers de doléances, on parle de marcher sur l’Elysée comme jadis on allait marcher sur Versailles, on veut la tête de Macron comme jadis on voulait celle du roi. On réclame la suppression de l’ISF comme on réclamait jadis la suppression des privilèges.  Seule différence notoire : les sans culottes étaient des jacobins parce qu’alors la sociologie de Paris était essentiellement populaire, tandis que les gilets jaunes viennent plutôt d’une mouvance provinciale et girondine ils se sentent les grands oubliés du développement économique, condamnés à vivre dans des territoires oubliés. La Révolution française est donc l’acte fondateur de la France moderne, à tel point que François Furet nous dit qu’elle n’est pas terminée et qu’elle continue à hanter nos esprits. L’insurrection des gilets jaunes lui donne raison, et peut être le pouvoir aurait-il dû comprendre que l’inégalité est une idée insupportable aux Français. Les Anglo-saxons vénèrent l’inégalité, pour eux l’argent est signe d’élection. Les Français la détestent, non qu’ils méprisent l’argent mais pour eux les profits sont faits pour être partagés.

Il y a donc à travers la mémoire collective une psychologie des peuples qui se cristallise autour des moments clés de leur histoire

Autre exemple : parlons de la révolte des bonnets rouges, celle de …1675, lorsque le ministre des finances du roi avait augmenté la gabelle, l’impôt sur le sel. Pour les Français de l’époque, le sel était l’équivalent de l’essence pour les Français d’aujourd’hui, une dépense contrainte. Le slogan des paysans était alors : vive le roi, à bas la gabelle !

La révolte des bonnets rouges bretons de 2013 contre l’écotaxe fait figure de résurgence de celle de 1675. Ce n’est pas une mémoire explicite ; les Bretons ne se sont pas dit : on va faire comme en 1675, mais c’est une mémoire diffuse, on pourrait dire une mémoire culturelle. L’historien Michel Winock parle de fièvre hexagonale : la société française est rattrapée par ses vieux démons (le recours à la violence dans les rapports de force), alors que dans d’autres pays, les conflits sont réglés par la négociation avec les corps intermédiaires, notamment les syndicats

La mémoire comme support du patriotisme : le roman national

Le patriotisme disait de Gaulle, c’est l’amour des siens. Tout à l’heure, on parlait d’un pacte horizontal, du sentiment d’appartenance à la nation. Ce pacte doit être entretenu, il a besoin de symboles qui lui sont fournis par le récit des heures plus ou moins glorieuses de l’histoire. C’est ainsi que dès les débuts de la Troisième République, après la cinglante défaite de 1870 et jusqu’à la fin de la Quatrième a fleuri une littérature d’un genre nouveau qu’on a appelé par la suite le roman national : la mémoire au service du patriotisme. Dans les écoles, pour servir de base à l’apprentissage de la lecture, on apprend à cette époque les pages les plus édifiantes de l’histoire de France : Clovis et le vase de Soissons, Charles Martel vainqueur des Arabes à Poitiers, Saint Louis faisant la justice sous son chêne à Vincennes,  Jeanne d’Arc  remettant  en selle le roi de France et  reprenant la ville d’Orléans, Louis XI et ses cages de fer, la  bataille de Fontenoy présentée comme une guerre en dentelles  ( « messieurs les Anglais tirez les premiers » ), la prise de la Bastille, l’épopée napoléonienne, les heures sombres de la guerre de 70 avec le siège de Paris, la victoire des poilus à Verdun, la Résistance avec le général de Gaulle etc. etc.

Tous ces épisodes forment le récit national ou le roman national. Celui-ci maintient la cohésion d’un peuple à travers son histoire, une histoire revisitée, une histoire mythifiée dont le but premier est de créer une fierté nationale.

Un best-seller, maintenant oublié, a traversé le 19ème siècle : les Romans nationaux d’Erckmann-Chatrian raconte la force du bon peuple de France à travers les épreuves qu’il a dû traverser. Lisons les premières lignes de l’avertissement au lecteur, car elles ont éloquentes : « Le succès éclatant de ces bons livres est un des meilleurs signes de notre temps. Il prouve que le muse de l’histoire vraie parle encore à tous les cœurs. Il prouve aussi que l’amour de la patrie et de la famille, que le développement des sentiments nobles, que le dévouement aux grandes idées de progrès, de justice et d’humanité ont des échos dans toutes les consciences. Il nous enseigne que si l’âme de la France peut parfois s’endormir, elle s’éveille toujours au premier cri des esprits généreux. Jamais plume n’a été tenue d’une main plus ferme et plus honnête que celle qui a tracé les admirables, les glorieux, les poignants récits qui se déroulent dans les quatre livres que nous réunissons sous le titre de Romans nationaux ».

Pourquoi le terme de roman et non celui de récit, dans le mesure où rien de la grande histoire n’est inventé, les faits sont scrupuleusement respectés ? D’abord c’est une histoire édifiante, à travers les hommes et les femmes du peuple, à travers les acteurs secondaires qui sont souvent imaginés. Mais surtout le terme de roman nous invite à une identification propre à l’alchimie romanesque : nous vivons à travers ces personnages et ces personnages vivent à travers nous. Nous rejouons passionnément leur épopée qui devient notre histoire commune.

Ce roman national, édifiant à souhait, peut faire sourire, mais il nous marque quand-même de son empreinte en tentant de développer une grande idée :  c’est que le peuple de France est foncièrement bon, et que c’est à travers les épreuves qu’il manifeste sa bonté et son patriotisme. Par exemple les auteurs ne font pas l’éloge des guerres de conquête de Napoléon, mais mettent en scène la bravoure du peuple lorsque le territoire national sacré va être envahi par les armées ennemies (Le Volontaire de 92, Le Conscrit de 1813).

D’autres supports de la mémoire collaborent à cette foi dans la nation : les cartes de France dans chaque classe de l’école élémentaire vantant l’empire colonial français, et dans les foyers les fameuses images d’Epinal : la bataille de Wagram, les adieux de Fontainebleau deviennent ainsi des épisodes célèbres de la geste nationale.

Maintiennent également la fierté d’une nation à travers sa mémoire ses statues sur les places publiques , ses monuments, l’architecture de ses villes,  ses musées. Le touriste qui se rend à Vienne et qui visite le Musée de l’histoire de l’art, est étonné d’y trouver une gigantesque collection plus riche encore que celle du Louvre. Ce musée, voulu par l’empereur François Joseph pour célébrer le gloire de la monarchie bicéphale (Autriche-Hongrie), témoigne que Vienne était au centre d’un immense empire, celui des Habsbourg. Les Autrichiens se consolent de la perte de leur puissance par la richesse de leur culture. Elle est un lieu de mémoire

Les Français, il faut bien le dire, n’ont pas une histoire aussi glorieuse que celle des Anglais qui ont inventé la démocratie moderne, conquis le plus vaste empire au monde, triomphé des Allemands pendant la seconde guerre mondiale. Les Anglais ont eu Churchill, les Français de Gaulle pour faire oublier Pétain. Mais finalement Les Français sont un peuple qui ne s’aime pas. Ce qui fait dire à certains qu’il faut restaurer dans les écoles le roman national ; apprendre l’histoire de France, non pas selon les discours froids des historiens et des professeurs , avec de surcroit  des programme qui ne respectent plus la chronologie ( les écolier ne connaissent plus guère leur histoire de France), mais une histoire à la Erckman-Chatrian, affective, sentimentale, édifiante pour revivre en quelque sorte l’épopée du peuple de France. Evidemment cela pose problème. Dans une France de plus en plus cosmopolite, il est difficile de dire « nos ancêtre les Gaulois », mais certains disent que ce n’est pas grave, le roman national a pour but d’inscrire la mémoire nationale dans le cœur même des enfants quelle que soit leur origine. C’est en quelque sorte un acte d’adhésion à la communauté nationale. Ensuite, au lycée, puis à l’université, ils apprendront l’histoire de manière plus objective et plus critique.

L’historienne Mona Ozouf plaide en faveur de ce roman national. Un peuple sans mémoire est pour elle un peuple sans avenir. La b.a.-ba de l’estime de soi c’est de connaître son passé et se s’intéresser à lui. C’est vrai pour les peuples comme pour les individus. Pour elle, cette connaissance donne le surplomb nécessaire pour mieux comprendre le présent et envisager l’avenir avec confiance et en connaissance de cause. Mieux vaut selon elle un bon surplomb que les fausses transcendances où s’engouffrent certains jeunes en quête de sens à donner à leur existence.

On peut donc faire l’éloge de la mémoire comme support du patriotisme qui est l’amour des siens.

En revanche, là où la mémoire devient dangereuse, c’est quand elle devient le support du nationalisme qui est cette fois-ci la haine des autres. C’est ainsi que de Gaulle faisait la différence entre patriotisme et nationalisme

La mémoire comme ressort du nationalisme, ou la haine des autres

L’histoire des peuples est faite de guerres et de revanches. 1870 est la revanche des Prussiens humiliés par Napoléon à Austerlitz. 1918 est la revanche de 70. 1940 celle de 1918 : Hitler fait brûler le wagon où a été signé l’armistice de 11 novembre 1918 à Compiègne.

1914 c’est la guerre des nationalismes, l’Empire allemand voulant rivaliser de puissance avec l’empire anglais.

Le nationalisme est l’arme préféré des régimes totalitaires, il consiste à détourner les ressentiments et les frustration nationales en faisant de l’autre le bouc émissaire de tout ce qui ne va pas dans le pays, et en resserrant les liens autour du leader charismatique.

C’est pour cela que la construction européenne est quelque chose de très novateur ; les nations européennes, qui jusqu’alors se faisaient la guerre, ont décidé de se réconcilier non pas par des paix précaires visant à instaurer des équilibres fragiles entre nations rivales, comme ce fut le cas avec les traités de Vienne et de Versailles, mais par la volonté de se réconcilier en affirmant une communauté de valeurs, les quatre piliers de l’Europe étant la paix, la démocratie, la prospérité et la solidarité.

Du bon et du mauvais usage de la mémoire  

Un peuple doit regarder son histoire en face avec lucidité et sans complaisance. L’amnésie à géométrie variable, souvent organisée par les États peu respectueux des droits de l’homme, est une catastrophe. Le mauvais exemple c’est la Turquie  et la négation du génocide arménien. Le bon exemple c’est l’Allemagne. La force du peuple allemand c’est d’avoir fait un important travail de mémoire et d’inventaire. A travers sa mémoire un pays doit reconnaître ses vieux démons et les mettre à distance. Le problème c’est que les témoins des époques sombres disparaissent peu à peu, il faut donc entretenir la mémoire chez les jeunes générations. La montée en puissance de l’AFD en Allemagne (Alternative für Deutschland), qui compte beaucoup de jeunes dans ses rangs,  est préoccupante car le parti comporte de nombreux éléments xénophobes et racistes.

Un peuple doit se garder également de la nostalgie et de la tentation du retour en arrière : la nostalgie des empires perdus est un étrange retour du refoulé caractérisant le vingt-et-unième siècle naissant ; mais Erdogan ne ressuscitera jamais l’empire ottoman,  Poutine l’empire russe ou soviétique. Toutefois le cas de la Chine est très inquiétant car il est évident qu’à travers les routes de la soie, cette puissance montante et bientôt dominante  veut instaurer un empire d’un nouveau genre à travers un leadership dont les trois piliers seraient la mondialisation, la technologie et la financiarisation de l’économie

Dans le même ordre d’idée, un peuple doit se garder de l’esprit de revanche. Il faut savoir pardonner. Mais le pardon n’est possible que quand il y a un inventaire. Le bon exemple c’est l’Afrique du sud. Par les commissions « vérité et réconciliation », voulues par Nelson Mandela et Desmond Tutu, la nation zoulou est entrée dans le cadre plus large de la nation arc-en-ciel sans perdre son âme et sa culture, et avec sa dignité retrouvée. Le mauvais exemple c’est l’oubli volontaire du passé, car les victimes et leurs descendants  n’oublient jamais. L’amnistie n’est pas une bonne chose non plus, car la grâce collective est une forme d’oubli ; on veut tourner la page, mais les victimes ont besoin de la reconnaissance des souffrances qu’elles ont endurées.

Un peuple ne doit pas plus ruminer son passé, ce qu’on pourrait appeler l’hypermnésie, poison qui l’empêche d’avancer et de se construire un avenir.  La défaite des Serbes contre les Turcs  à Kossovo Polié  en 1389 a été l’un des carburants de la guerre de Yougoslavie. Il faut toujours s’attendre à de violents retours de manivelle, dès lors que la mémoire prend la forme d’un éternel ressassement.

En conclusion, on pourrait dire que la mémoire, tantôt paresseuse, tantôt hyperactive joue bien des tours aux peuples. Elle reste très vivace chez les petites nations qui redoutent de perdre leur culture dans le tourbillon de la mondialisation ; elles puisent en elle une indéniable force de cohésion sociale et politique. Par la mémoire de leur grandeur passé les grands empires déchus tentent de rejouer l’histoire. En revanche elle est plus défaillante chez les grandes démocraties modernes qui voudraient s’affranchir du fardeau d’une mémoire encombrante pour ne s’intéresser qu’à l’avenir. Mais dans son ouvrage L’actualité du passé l’historien et journaliste Jean-Noël Jeanneney nous rappelle fort opportunément que les défaillances de la mémoire collectives conduisent à nous sentir démunis face aux événements du présent (qu’il appelle « les mouvements clinquants de l’instantané »). On les redoute parce qu’on les pense originaux, qu’ils se cherchent et qu’on ne sait pas trop où ils vont nous conduire. Mais notre présent est moins neuf qu’on le croit, et la force d’un peuple est de tirer les leçons de son passé à travers une mémoire vivante qui permet de comprendre le passé, de le mettre en perspective avec le présent, et de construire le futur en connaissance de cause.

Louis Dizier

Le consentement à l’impôt

Par Louis Dizier

Lithographie par Daumier 1869

La révolte des bonnets rouges en 2013 et celle toute récente des gilets jaunes (encore en cours) plongent leurs racines profondément dans le pays. Elles révèlent le paradoxe français : des citoyens qui demandent toujours plus d’Etat mais dont le consentement à l’impôt diminue vertigineusement dans les sondages, alors qu’il était assez haut.

A quoi sert l’impôt direct et indirect ? Il sert à payer les fonctionnaires qui assurent les services publics et les missions régaliennes de l’Etat (éducation, santé, défense, sécurité intérieure etc.) dans les trois fonctions publiques nationale, territoriale, hospitalière. Il permet également une redistribution d’une partie des richesses produites en faveur des classes les plus défavorisées, au nom des principes de justice et de solidarité. Il abonde aussi une partie importante du budget pour le service d’une dette qui dépasse maintenant les 2000 milliards d’euros. Enfin il est un instrument d’incitation auprès des acteurs économiques pour qu’ils adoptent des comportements jugés vertueux au regard des politiques publiques.

Bien souvent les fonctionnaires sont pris pour cibles et rendus responsables de tout ce qui ne va pas dans le pays : « trop de fonctionnaires payés à ne rien faire », « il faut dégraisser le mammouth », « non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». Trop de fonctionnaires ? Soit, mais alors il faut accepter que les enfants travaillent dans des classes surchargées, que les services hospitaliers soient saturés, qu’il y ait moins de gendarmes pour assurer la sécurité et moins de douaniers pour intercepter les marchandises prohibées aux frontières.  On parle aussi de diminuer le nombre de députés et de sénateurs, mais la mesure est jugée dangereuse par certains : l’affaiblissement des corps intermédiaires  risquerait en effet d’isoler encore plus le pouvoir de la base.

Toutefois le fait nouveau est le ressenti des Français. Les contribuables acceptaient jusqu’à présent de financer un Etat coûteux à condition que les services publics fonctionnent. Or ils sont de plus en plus nombreux à trouver (à tort ou à raison) que l’éducation nationale fonctionne mal, que l’ascenseur sociale est en panne, que les services de santé jadis exemplaires se dégradent, que les collectivités locales subissent le désengagement de l’Etat.

L’impôt est également un formidable instrument de redistribution, garante de la paix sociale et du pacte républicain (« égalité et fraternité »). Les aides sociales permettent aux citoyens défavorisés de garder leur dignité et leur rang dans la société.  Mais peu à peu s’installe une suspicion : est-ce que l’Etat ne voudrait pas reprendre d’une main ce qu’il accorde de l’autre en taxant par exemple les retraités et les usagers de la route captifs du diesel ? Là encore le ressenti des Français s’oppose à tous les arguments du gouvernement mettant en avant les mesures prises pour la hausse du pouvoir d’achat.

Autre usage : l’impôt est censé être un levier d’incitation pour changer les comportements. C’est ainsi que la fiscalité des carburants devait inciter les ménages à renoncer à rouler au diesel, polluant et nocif pour la santé.

Ce faisant le gouvernement s’en est pris à deux passions françaises : la passion de l’égalité et la passion pour l’automobile.

Les Français qui vivent dans des zones enclavées ne sont pas près de renoncer à leur voiture, seul lien qui assure une relative continuité territoriale. Et même s’il y a des primes à la reconversion, ils n’ont pas les moyens de changer leur véhicule polluant contre un véhicule électrique, par ailleurs assez peu adapté aux zones rurales qui n’ont pas les équipements appropriés.

Ceux qui habitent loin des grandes villes, et qui ne peuvent se passer de leur voiture ont également le sentiment qu’ils portent à eux seuls le fardeau de la transition énergétique. Les citadins roulent beaucoup moins et renoncent même à la voiture, devenue inutile grâce à la commodité des transports en commun.

Comment, dans ces conditions faire accepter aux Français le poids de l’impôt ?

Dans les régimes ultralibéraux, l’impôt est vécu comme une malédiction, et les dirigeants parfois très démagogues de ces pays dressent les riches contre les pauvres, promettant à leurs électeurs des baisses massives d’impôts. Aux Etats-Unis les riches n’ont jamais été aussi riches et les pauvres aussi pauvres. L’enseignement public est à l’abandon, beaucoup d’Américains n’arrivent plus à se soigner, et dans certains Etats la mortalité infantile est en passe de rejoindre celle des pays en voie de développement. L’espérance de vie des plus pauvres baisse dramatiquement.

Un tel scénario n’est guère possible en France : la passion de l’égalité y est trop forte et les Français sont encore attachés à l’Etat providence, même s’il est à bout de souffle

Toutefois il faut raison garder et ne pas tomber dans l’excès inverse : trop d’impôt tue l’impôts, c’est vrai, et c’est manquer singulièrement d’imagination et de prudence que de penser que la hausse des impôts est la panacée à tous les maux.  Il faut donc distinguer le bon impôt et le mauvais impôt.

Le bon impôt est celui qui répond à trois critères.

Premièrement il doit être accepté du plus grand nombre. Le gouvernement doit donc faire de la pédagogie pour aller dans ce sens. Cela n’a pas été le cas lors de la révolte des bonnets rouges de Bretagne en 2013, et encore moins celle des gilets jaunes. L’argument écologique passe mal lorsqu’il donne l’impression d’être un prétexte et lorsqu’il cible la partie la plus fragile de la population. En outre la non progressivité du taux de la CSG, la multiplication des niches fiscales, la suppression ( même argumentée) d’une partie de l’ISF, mettent à mal l’idée d’égalité chère aux Français.

Deuxièmement, l’impôt doit être modéré pour ne pas avoir de caractère confiscatoire. Annoncez que vous taxerez les riches à hauteur de 90% de leurs revenus, ce serait le meilleur moyen de faire fuir les industriels du pays. A l’autre extrémité de l’échelle sociale la hausse sensible du prix des carburant est ressentie comme une mesure injuste et punitive.

Enfin, l’impôt doit être productif (chaque euro demandé sera utile) et utilisé à bon escient pour éviter les gabegies en tous genres. Le gaspillage de l’argent public est un véritable fléau. Il ne faut donc pas plus d’impôts mais mieux d’impôts

Le mauvais impôt est celui qui sert à pallier un manque d’orthodoxie budgétaire. La maîtrise des dépenses publiques est une nécessité absolue de la part d’un gouvernement responsable, sinon les impôts explosent et la dette se creuse. Au final, les générations actuelles laissent aux générations futures le soin de régler leurs dettes, résultat de leur laxisme et de leur égoïsme.

Mais l’impôt bien compris n’est pas un mal nécessaire. C’est un bien pour le fonctionnement harmonieux de la société et pour son avenir par l’investissement.

 

(Pour la fracture territoriale voir l’article sur la proximité)

Première séance du café culturel ( lundi 29 octobre 2018): LA PROXIMITE

La proximité

Conseils méthodologiques 

Deux écueils à éviter pour ce type de sujet :

–         C’est un sujet en apparence très vague. La notion de proximité ne semble pas avoir un lien immédiat avec l’actualité. Le risque est alors de se déporter vers des thématiques philosophiques ou psychologiques. Au contraire, se poser la bonne question : pourquoi le thème de la proximité est-il d’actualité ?

–         Mais alors les idées se bousculent : c’est un mot à la mode, et si l’on cherche bien on peut voir de la proximité/non proximité partout. Le risque est  l’éparpillement et le catalogue sans fin. En aucun cas une succession d’exemples ne pourra satisfaire le jury.

La trajectoire de l’exposé aura donc pour objet d’explorer et d’approfondir la notion. Partir du paradigme le plus évident, celui de l’espace, et peu à peu faire apparaître d’autres types de proximités avec leurs enjeux sociaux, économiques, culturels, politiques. Partout surgissent des fractures, des frontières invisibles.

Dans ces conditions, se demander comment on peut rétablir les ponts ou resserrer les liens d’une proximité distendue.

Un mot omniprésent

Tout le monde ou presque parle de la proximité, souvent sur le mode de la déploration ou de la nostalgie.

La perception de ce phénomène concerne en premier lieu la vie quotidienne. On déplore la suppression de la police de proximité (du temps où Nicolas Sarkozy argumentait qu’ un policier ça ne sert pas à jouer au foot avec les gamins). On s’inquiète de la raréfaction des commerces dans les centre-ville de province, de la désertification des campagnes avec son cortège de disparitions des services publics (bureaux de poste, perceptions). À l’époque où Rachida Dati était garde des sceaux, la fronde des magistrats n’avait pu empêcher la fermeture des tribunaux d’instance des villes moyennes, mesure qui éloignait la justice du justiciable. Il y a aussi le secteur de la santé : les médecins de campagne disparaissent peu à peu. En zone rurale avoir un rendez-vous rapproché avec un médecin spécialiste est devenu mission impossible.  Le 11 octobre 2018, suite à la fermeture de la maternité du Blanc dans l’Indre, 60 élus municipaux démissionnaient en guise de protestation, mais sans espoir : les femmes devront désormais faire de longs trajets avant d’être prises en charge.

Les transports sont également en ligne de mire. Les lignes de chemins de fer peu rentables et leurs gares ferment peu à peu.  Il faut parfois plus de temps pour aller d’un bout à l’autre du département que pour traverser la France en TGV. Et tout le monde n’est pas logé à la même enseigne : on va de Paris à Nancy en à peine plus d’une heure, deux fois moins de temps que pour aller de Paris au Havre par le train intercités, et pourtant la distance est double. Beaucoup de Franciliens maudissent l’enclavement des banlieues. Le prolongement des lignes de RER, censé rapprocher les gens du centre-ville, les en éloigne encore plus, car un logement proche de Paris devient un luxe inabordable.

On le voit, la proximité ne se décline plus en kilomètres mais en temps réel de trajet, et surtout en terme de niveau de vie. Par un paradoxe singulier, les classes aisées qui habitent Paris intra muros achètent peu de voitures, car elles ont toutes les commodités des transports en commun, alors que les banlieusards aux revenus modestes ne peuvent s’en passer pour aller de banlieue à banlieue ou tout simplement pour rejoindre la lointaine gare de RER.

La récente révolte des gilets jaunes ( 17 novembre 2018) est la marqueur d’un malaise profond : en touchant au prix du carburant, le président  s’attaque à une passion française, car la voiture est synonyme de liberté et de désenclavement, notamment pour les classes moyennes  des zones rurales et périurbaines. L’enjeu est de taille, car la discontinuité territoriale- vraie ou supposée- risque d’accréditer l’idée qu’il existe une France d’en haut très mobile et une France d’en bas condamnée à l’immobilité ou à des tout petit trajets. C’est le pacte républicain d’égalité qui est en jeu, autre passion française.

Une étude récente montre que pour la jeunesse dorée des centre-ville, passer son permis de conduire n’est plus une priorité : Uber, le TGV, Les compagnies aériennes low cost leur donnent le moyen de passer leurs week-end  à Londres, Barcelone ou Milan, alors qu’il y cinquante ans ils se seraient contenté d’aller prendre l’air chez la tante de la Garenne-Bezons ou d’Ozoir-la-Ferrière.

On le voit, pour ceux qui ont des moyens financiers tout devient très proche, le monde est à portée de main ; mais pour ceux qui ont des revenus modestes tout semble lointain, compliqué, inaccessible. Après la fracture sociale, la fracture numérique, voici venir les temps de la fracture spatiale.

Si proche et pourtant si lointain

 

Voilà pour la proximité spatiale. Mais il est d’autres proximités, plus inaccessibles encore.

La première forme de la proximité, c’est l’instinct grégaire. Alors que les campagnes sont en voie d’abandon et les petites villes agonisantes, les grands centres urbains gagnent en attractivité. Les grandes villes fascinent car elles donnent de prime abord le sentiment rassurant d’une proximité inépuisable. Le cosmopolitisme parfois inquiète, mais le plus souvent il stimule la soif de rencontres et la quête d’altérité, dans un « melting pot » prometteur. En outre, L’effervescence des boulevards, le trafic incessant des rues, les commerces, la vie nocturne forment un tourbillon étourdissant. Pour paraphraser le beau titre du roman d’Hemingway, Paris est une fête ; et lorsqu’en novembre 2015 les attentats ont ensanglanté la capitale, beaucoup de Parisiens brandissaient ce livre comme l’étendard du refus : on ne les intimiderait pas, on ne les priverait pas de la convivialité urbaine, ils continueraient à fréquenter les terrasses de restaurant et les théâtres.

Pourtant, la proximité dans les grandes cités est ambivalente. Elle peut aussi se décliner sur le mode de la solitude. Baudelaire, l’incomparable poète de la modernité urbaine qui émerge au XIXème siècle, est le témoin des rencontres inaccomplies, des destins que se frôlent sans jamais se rejoindre, des solitudes et des misères cachées. Ses scènes captées par un rôdeur parisien montrent un monde de frustrations et de marginalité plus que de plénitude. Multitude/solitude, c’est pour lui le double visage de la modernité urbaine.

Mais la distance est aussi notre actualité à nous. L’intégration républicaine s’essouffle, et le vivre ensemble est de moins en moins à l’ordre du jour. La mixité sociale n’est souvent qu’un rêve, beaucoup de maires de villes riches préférant payer des amendes plutôt que de construire du logement social selon les seuils prescrits par la loi.

A cela s’ajoute la montée des communautarismes. Dans un double mouvement de repli et de rejet, on choisit la proximité rassurante de ceux qui vous ressemblent, qui partagent une même origine ou la même religion, quitte à reléguer les autres à l’extérieur d’une frontière invisible. C’est ainsi que le tissu social et culturel se désagrège peu à peu, et que certains quartiers se transforment en mosaïque d’ilots qui deviendront peut-être un jour des forteresses. Il suffit parfois de traverser une rue pour pénétrer dans un autre monde.

Si l’on prend maintenant le deuxième sens du mot cité, on songe à un autre genre de proximité, celle du citoyen ordinaire vis-à-vis de celui qui le gouverne. On dit souvent que le régime français est une monarchie républicaine. Et en effet la toute-puissance réelle ou supposé du Président de la République entre parfois en conflit avec l’exigence d’un république moderne, modeste et proche des citoyens. Les tentatives courageuses de Macron pour aller à la rencontre des ouvriers et des gens modestes tournent souvent au fiasco. On ne retient de ses joutes musclées que les mots de « bordel », « fainéants », « illettrées », « costard ». Le parler vrai a ses limites, et la cote de popularité de Macron auprès des ouvriers n’est que de 5%. Cette image de président hautain ouvre un boulevard aux populismes de droite et de gauche sur le thème de « Je ne suis pas de votre monde » (Mélenchon aux journalistes le 18 Octobre 2018).

D’autres proximités illusoires caractérisent le monde moderne. L’euphorie des réseaux sociaux ne tarit pas malgré les scandales. Et pourtant, personne n’est vraiment dupe : on sait bien qu’avoir beaucoup d’amis sur Facebook ne signifie pas grand-chose, mais on vit avec ce genre d’illusion, on construit ses propres mensonges parce que les relations réelles se déshumanisent ou deviennent compliquées.  Tout devient instable.  Au sein du couple, de la famille, des amitiés ou des amours, partout un flux et un reflux de distance et de proximité. Ou alors on se fourvoie dans des transcendances douteuses tout simplement parce qu’on n’est pas capable de parler avec son voisin

Une bienheureuse proximité ?

Dans son essai La communauté désœuvrée, le philosophe Jean-Luc Nancy nous dit qu’il ne reste plus rien de la communauté, ce n’est plus qu’un mythe qui s’épuise ; mais malgré tout, il reste une exigence philosophique et politique de l’être en commun. Non seulement elle n’est pas dépassée, mais, selon lui, elle vient au-devant de nous, elle nous reste à découvrir.

La communauté (qu’il ne faut pas confondre avec le communautarisme), c’est la possibilité d’une célébration. De même que jadis la tragédie grecque rassemblait toute la cité lors des dionysies, nous aspirons à une communion. Mais la communauté n’existe plus et les mythes ont disparu. Restent les valeurs. Pouvons-nous construire une cité fraternelle où les hommes se sentiraient proches les uns des autres autour d’un idéal commun ?

Le pacte républicain d’intégration, la laïcité, la devise nationale inscrite aux frontons des mairies seraient une première réponse. Mais à l’épreuve de la réalité, il nous semble de plus en plus difficile d’intégrer correctement les migrants, de faire comprendre le principe de laïcité. Et les inégalités n’ont jamais été aussi fortes dans notre société.

Sur le plan des principes, ne pas abandonner les idéaux républicains, mais les réactiver : L’école doit faire de la tolérance un combat à la Voltaire : ce qui nous rassemble va bien au-delà de ce qui nous distingue. Il faut aussi rétablir fermement le concept d’universalité de l’homme, cher aux Lumières, et veiller à ne pas hiérarchiser (même inconsciemment) les cultures, les religions, les sexes

Toutefois, pour créer du lien social, des démarches plus pragmatiques s’imposent. Cela commence par la fête des voisin (on apprend à se connaître et à se parler) ; mais cela pourrait aller bien plus loin à l’instar de l’Afrique du Sud où, depuis 2010, chaque 18 juillet est décrété Mandela Day. Ce jour-là est consacré à l’entraide et à la lutte contre la pauvreté.  L’ancien président déclarait: “lutter contre la pauvreté n’est pas un geste de charité. C’est un acte de justice”

Pour lutter contre le populisme, qui contient en germe la haine de l’autre, Il est important également de rapprocher le citoyen de la chose publique, d’inventer une démocratie participative où les élus n’appartiennent plus à un corps de privilégiés. Il faut également décentraliser le pouvoir. Le Jacobinisme, qui a dominé la vie française depuis plus de deux siècles ne doit plus être la norme. La France doit redevenir un peu provinciale et girondine : « Je suis un Girondin », se justifie Gérard Collomb, lorsque le 3 octobre 2018, il quitte le ministère de l’intérieur pour rejoindre sa mairie de Lyon. De son côté Michel Onfray, dans son ouvrage Décoloniser les provinces fait l’éloge de l’inépuisable créativité des régions longtemps bâillonnée par un pouvoir lointain et centralisateur.

Décentraliser, mettre fin à la désertification des campagnes, stimuler la démocratie locale et municipale, développer la vie associative, encourager les circuits courts entre producteurs et consommateurs, redonner vie aux marchés locaux, c’est peut-être l’espoir de renouer avec la proximité perdue.


« Un grand merci pour ce moment incroyable, tout le monde a été plus que ravi. Ça a été un moment à la fois très enrichissant mais aussi humain. L’ambiance moins scolaire permet à tous de donner son avis librement.Tout le monde attend une prochaine date et d’autres élèves sont intéressés, il faudra bien s’organiser. Nous avons hâte de partager encore ces moments avec vous, surtout avec nos concours et entretiens blancs qui approchent »  Antoine ( Prépa HEC 2ème année)

 
 « Pour ma part, la séance d’hier a été très enrichissante et très agréable ! 
 Elle m’a permis d’en apprendre énormément sur différents points et sujets et cela dans une bonne ambiance, ce qui de mon point de vue facilite l’apprentissage »  Isham (  Prépa HEC 2ème année)
 
« Splendide première session de café philo. Je trouve que tu as une vivacité intellectuelle et une intelligence pédagogique qui forcent le respect. Je suis à la fois impressionné et respectueux de l’exercice de style auquel tu t’es livré hier. C’était aussi intéressant de t’écouter disserter que de t’entendre reformuler et élargir les sujets traités par tes hôtes » ( Grégoire, professeur de mathématiques)